Production laitière au Néolithique

Début de l'agriculture et production laitière au Néolithique en Europe de l'Ouest

 Un article sur les usages différents des produits laitiers en Europe de l’Ouest dans les premières sociétés agro-pastorales du Néolithique, issu d’un programme dirigé par Miriam Cubas (Publié dans Nature Communications le 27 avril 2020)

Les résultats de nouvelles recherches révèlent que la consommation de produits laitiers en Europe était très inégale parmi les premières populations agricoles. Une équipe de recherche internationale, dirigée par la chercheuse Miriam Cubas (Université d'Oviedo), a réussi à récupérer des résidus d'activités culinaires dans les récipients utilisés par les sociétés préhistoriques, il y a 7 500 à 5 500 ans.


Céramiques du site archéologique de Verson (France) analysées dans le cadre de la recherche
(Photographie d'Annabelle Cocollos, Conseil départemental du Calvados ou CD14 publié dans Germain-Vallée et al. 2015)

L'analyse chimique des restes de graisses animales, de cire végétale, d'huiles de poisson et de résines conservés dans les céramiques préhistoriques a permis à l'équipe de Miriam Cubas d'explorer les différentes utilisations de ces récipients par les communautés du néolithique, et en particulier leur relation avec les activités agricoles et l'élevage.

Les résultats reflètent une grande variation dans l'utilisation de la céramique parmi ces communautés. Parmi les ressources identifiées, la présence de produits laitiers s'accroît vers le nord de l'Europe, la région atlantique française et les îles britanniques. Les auteurs concluent que ces différences peuvent être liées aux différentes activités d'élevage, avec une plus grande présence de bovins dans le nord et un élevage centré sur les ovins et les caprins dans le sud de l'Europe. Dans la péninsule ibérique, ces pratiques culinaires reflètent l'importance des ressources en viande des animaux domestiques (moutons et chèvres) qui sont introduites à cette époque.



Voir légende sur https://www.nature.com/articles/s41467-020-15907-4/figures/1

L'étude confirme que les premiers agriculteurs arrivés sur la côte atlantique sud ont exploité les animaux pour leur lait, mais suggère que l'élevage laitier n'a réellement pris son essor que lorsqu'il s'est étendu aux latitudes nord, avec progressivement plus de produits laitiers traités dans des récipients en céramique. Les agriculteurs préhistoriques qui ont colonisé les régions du nord au climat plus rude ont peut-être eu davantage besoin des bienfaits nutritionnels du lait, notamment de la vitamine D et des matières grasses, suggèrent les auteurs de l'étude.

Il s'agit de l'une des comparaisons régionales les plus complètes publiées à ce jour sur l'utilisation de la céramique pendant la préhistoire. L'une des constatations les plus surprenantes est l'absence de fruits de mer dans les céramiques documentées, même dans les sites archéologiques des zones côtières, où ces ressources alimentaires sont disponibles. Cela tranche sur les pratiques mésolithiques et néolithique des bords de la Baltique où les ressources laitières et les fruits de mer ont été préparés dans des pots en terre.

« Les différences dans la fréquence d'apparition des produits laitiers peuvent être importantes pour la compréhension de l'évolution de la tolérance au lactose chez les adultes en Europe. Aujourd'hui, les mutations génétiques qui permettent aux adultes de digérer le lactose présent dans le lait sont plus fréquentes dans le nord-ouest de l'Europe que dans les régions du sud », explique Oliver Craig professeur au département d'archéologie de l'université de York.

L'équipe de chercheurs de l'Université York, de l'Université d'Oviedo, de la Société scientifique Aranzadi, de l'Université autonome de Barcelone, de l'Institut Max Planck, de l'Université de Cantabrie, de l'INRAP, du Service régional d'archéologie de Normandie, du Service d'archéologie du département du Calvados, de l'Université de Lisbonne, de l'UNIARQ, de l'Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, l'Université de Rennes (CNRS-UMR 6566 CReAAH, partenaire de l'OSUR RENNES), le Musée de préhistoire et d'archéologie de Cantabrie, l'Institut catalan de paléoécologie humaine et d'évolution sociale, l'Université Rovira i Virgili, le Musée archéologique de São Miguel de Odrinhas et l'Université de Barcelone ont analysé les déchets organiques conservés dans les céramiques de l'ancien néolithique provenant de 24 sites archéologiques situés entre le Portugal et la mer Baltique. Cette recherche nous permet d'élargir nos connaissances sur les pratiques culinaires de ces premières sociétés agricoles, le rôle joué par les différents aliments et leur impact sur le régime alimentaire des premières communautés agricoles.

Cette recherche a été financée par la Commission européenne dans le cadre d'un projet Marie Curie (First ceramics of Atlantic Europe : manufacture and function -CerAM, MSC 653354) dirigé par le Dr Miriam Cubas

Accès à l’article (en anglais)
Cubas, M., Lucquin, A., Robson, H.K. et al. Latitudinal gradient in dairy production with the introduction of farming in Atlantic Europe. Nat Commun 11, 2036 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-15907-4

Autres informations (en français) sur le site de l'OSUR RENNES

Et un compte-rendu bien fichu dans le magazine "Paysan Breton" sous la plume de Fanch Parenthoën.

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