Confinarchive 3 : un abri au milieu des flots

Fouilles d’urgence dans l’abri-sous-roche de Roc’h Santeg Leton à Santec (Finistère)


Accès tonifiant à la zone d'investigation....
Vidéo de François Le Gall, mars 2015

L’îlot de Roc’h Santeg Leton fait partie de l’ensemble d’îles et îlots du littoral de Santec (Finistère), à 1,5 km de la côte. L’accès à l’île à pied nu n’est pas aisé, vu l’éloignement du littoral ; il faut profiter d’une marée basse d’au moins 90 de coefficient pour y accéder, en traversant l’estran rocheux. C’est son état de dégradation très avancé sous les assauts des tempêtes qui a motivé les interventions des archéologues.


Le site a été découvert et signalé aux autorités par un prospecteur bénévole de Santec, Daniel Roué, en 1985, mais jusqu’à 2014, aucun autre archéologue ou autorité compétente ne s’était rendu sur place pour évaluer le site. Seulement deux petites notices avaient présenté très brièvement les principales découvertes du mobilier entre 1985 et 2010, date de la dernière visite du site par Daniel Roué. 

Le site vu du nord, avec la côte au loin (@G. Marchand)

Dans le cadre du projet ALeRT (Archéologie, Littoral et Réchauffement Terrestre), une visite du site a été réalisée en 2014, qui a permis de constater son érosion accélérée. Et c’est sous l’égide de ce programme, dirigé par Marie-Yvane Daire, que cette opération d’urgence à eu lieu en 2015 et 2016, sous la direction de Pau Olmos Benlloch et Grégor Marchand, avec une autorisation et un financement du DRASSM (Ministère de la Culture). On doit saluer ici l'aide inestimable de la SNSM de Santec pour accéder à la zone de fouille en 2015, puis celle de l'entreprise LITTO (Louis Dutouquet).

La plateforme rocheuse fouillée, vue depuis l'estran (@G. Marchand)

Une première semaine de fouille en mars 2015, sous la responsabilité de P. Olmos Benlloch, a permis de dresser le bilan stratigraphique, de recueillir du mobilier archéologique et de faire la topographie générale. L’aide de la SNSM a été décisive pour accéder au rocher et réaliser ces sondages, dans des conditions climatiques difficiles.

 Tout début de la fouille, sous une pluie battante. Une autre vidéo subaquatique réalisée de main de maitre par François Le Gall


Les occupations du second âge du Fer et du Mésolithique ont été bien circonscrites sur le site. Si l’Azilien précédemment signalé s’est alors révélé totalement érodé, trois niveaux du Paléolithique moyen encore inédits ont été identifiés à la base de la stratigraphie. 

Premiers coups de pelle en mars 2015 (@Meritxell Monrós González)

Durant deux semaines en juillet 2016, une fouille de plus grande ampleur a été réalisée avec en moyenne sept personnes sur le terrain, sous la direction de Grégor Marchand. Elle a permis l’enregistrement exhaustif des vestiges de l’Holocène. Installées sur une « plateforme » rocheuse à moins d'une dizaine de mètre au-dessus des flots, les fouilles ont concerné environ 19 m². Les vestiges holocènes (mésolithiques et laténiens) sont essentiellement présents dans sa moitié nord, car la moitié sud a subi une troncature sédimentaire des niveaux holocènes de cette zone ; seul un foyer gaulois appareillé de dalles verticales a résisté à cette érosion.

Juillet 2016, on approche de la fin (@D. Nukushina)
Les structures en pierres (murets de galets) visibles au sommet de la zone principale (zone 1) sont d’âge très récent. Un grand foyer en cuvette de la Tène était creusé dans un niveau de limons lœssiques très induré ; il était entouré de pierres de chant. Il contenait des charbons de très grandes dimensions et des tessons laténiens. Quatre unités stratigraphiques successives ont été fouillées et tamisées sur environ 20 cm d'épaisseur, avec pour la première des tessons laténiens, et pour les trois suivantes des silex du premier et du second Mésolithique, hélas sans stricte césure stratigraphique. Visible dans la partie basse de ce sol holocène établi sur des limons, un foyer en cuvette sans appariement de pierre s’ouvrait, que le radiocarbone place au début du cinquième millénaire avant notre ère, soit au Néolithique ancien. 

Coupe principale en cours d'élaboration (@G. Marchand)
Un niveau de limons éoliens (i.e. lœss) épais d'environ 40 cm nappe le site et protège une stratigraphie du Paléolithique moyen. Si la présence de vestiges lithiques moustériens dans l'US la plus élevée (US 2002) reste ténue, et devra être discutée lors de fouilles ultérieures, les silex et quartz taillés sont en revanche très abondants dans les deux unités stratigraphiques inférieures (US 2003 et 2007). Ces multiples composantes culturelles signent l'intérêt porté par les populations humaines à cet abri-sous-roche au cours de la Préhistoire.

Un Dieu borgne veille sur nous (@G. Marchand)

A ce stade, on peut affirmer que les niveaux archéologiques les plus menacés ont été fouillés et enregistrés. Il n’y a plus de niveaux en place ou même remaniés datés de l’Holocène et un nappage de 40 à 50 cm de limon éolien pléistocène protège les niveaux du Paléolithique moyen que l’on a laissé en place (de 10 à 20 m²). Sauf évènement climatique exceptionnel, ces niveaux sont donc protégés et peuvent attendre qu’une équipe d’archéologue se monte pour les explorer, demain ou dans plusieurs années. 

Publication en cours !

Pour vivre autrement la fouille, voir ici le reportage (inspiré, inspirant et respirant) de Pierre-François Le Brun, intitulé "sauveteur de mémoire"
 

C'est un joli coin pour implanter une fouille (@G. Marchand)


To be or not to be

L'archéologie, ce n'est pas toujours dimanche

Collation méridienne

Reportage pour France-3, réalisé par Pierre-François Lebrun

Accès quotidien, aucune foulure enregistrée...
En attendant le bateau du retour...

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