Fin de fouille sur l'habitat mésolithique de Beg-er-Vil à Quiberon (Morbihan)
L’habitat
mésolithique de Beg-er-Vil à Quiberon (Morbihan) se manifeste par un niveau
coquillier remarquablement préservé sous une dune littorale. Il est visible
dans une paléo-falaise de la côte sud de la Presqu’île, dans la baie de
Port-Maria.
Fouilles et refouilles
Découvert
par G. Bernier, il a fait l’objet d’une fouille par O. Kayser, de 1985 à 1988,
puis d’une grande série d’analyses paléo-environnementales, archéozoologiques
et technologiques, qui ont dessiné les contours d’un site désormais considéré
en Europe comme une référence. Parce qu’il ne fut occupé qu’à la fin du septième
millénaire avant notre ère et qu’il est exempt de perturbations ultérieures, il
représente un témoin unique des modes de vie des chasseurs-cueilleurs maritimes
de la France atlantique. Sa rapide détérioration par l’érosion marine et
anthropique a entraîné la mise en place d’une fouille programmée depuis 2012
sous la direction de G. Marchand et C. Dupont, en collaboration avec plusieurs
partenaires : CNRS, Université de Rennes 1, Service Régional de l’Archéologie
de Bretagne, Conseil Général du Morbihan (SDAM), Programme Arch-Manche
(Interreg IVA), Mairie de Quiberon et Maison des Sciences de l’Homme en
Bretagne (MSHB).
Premiers sondages en 2012 (@ G. Marchand)
A
la suite d’une campagne de sondages réalisée au printemps 2012, notre équipe a
réalisé six années de fouilles (voir la vidéo réalisée par Micha Ocadiz, 2016), soit 45 semaines à environ 20 personnes,
auxquelles il faut ajouter les sept stages de tri (15 semaines - 12 personnes)
déjà réalisés à l’université de Rennes 1. En définitive, ces travaux réalisés
entre 2012 et 2018 ont couvert 170 m² en fouille fine, dans une zone
rectangulaire d’environ 350 m², à cheval sur un dépôt coquillier et sa
périphérie sableuse. On soulignera que c’est ce statut urbain de la parcelle
qui a permis le décapage de ces formations ; de telles opportunités sont rares,
d’autant que les opérations préventives ne peuvent se développer sur cette
bande côtière, soit urbanisée anciennement, soit protégée par la loi littorale
de 1986.
2016, la fouille s'étend vers l'est (@ G. Marchand)
Une
grande attention a été accordée aux conditions sédimentaires et taphonomiques
(travaux de M. Laforge, M.-L. Onfray et P. Stéphan), qui conditionnent bien
évidemment les lectures palethnographiques ultérieures, mais également la
reconstitution des régimes alimentaires par la prise en compte de tous les
types d’aliments animaux et végétaux (travaux de C. Dupont, Y. Gruet, N.
Desse-Berset, A. Tresset).
Beg-er-Vil, 2017. Fouille par tous les temps (@ G. Marchand)
Un plan d'habitat si lisible
Les
objets archéologiques et les blocs granitiques rubéfiés s’étendent largement
hors de la zone coquillière. Les deux zones abordées par la fouille reposent
sur des pentes d’inclinaison différentes : les coquilles ont été répandues sur
une faible déclivité en direction du sud-ouest, tandis que, plus à l’est, le
niveau sableux est presque horizontal. Les activités de combustion se
manifestent par plusieurs types de foyers renvoyant probablement à des usages
divers, qu’ils soient culinaires, domestiques, artisanaux, cultuels…. À quelques
mètres du dépotoir coquillier, de petits blocs de pierre issus du substrat, non
rubéfiés, étaient plantées verticalement dans le sol, avec un agencement
complexe (pierres parallèles ou orthogonales) qui évoque des calages de piquets
en matière périssable (végétale ou animale).
L’ensemble permet de dessiner sans équivoque deux structures d’habitat circulaires de 3,5 m environ de diamètre, avec en leur milieu un foyer en fosse. Plusieurs interprétations fonctionnelles sont possibles pour ces deux structures autour des foyers en fosse, dont on trouve des exemples sans peine dans les photographies du XIXème siècle sur le continent américain (wigwam, hutte de sudation, dispositif de séchage des filets d’animaux, pare-vent…). Les analyses spatiales et technologiques battent leur plein pour mieux comprendre les activités réalisées dans l’habitat (travaux de J. Calvo Gomez, G.-A. Denat, A. Hénin, G. Marchand, D. Nukushina)
Foyer en fosse en cours de fouille, en 2016 (@ G. Marchand)
L’ensemble permet de dessiner sans équivoque deux structures d’habitat circulaires de 3,5 m environ de diamètre, avec en leur milieu un foyer en fosse. Plusieurs interprétations fonctionnelles sont possibles pour ces deux structures autour des foyers en fosse, dont on trouve des exemples sans peine dans les photographies du XIXème siècle sur le continent américain (wigwam, hutte de sudation, dispositif de séchage des filets d’animaux, pare-vent…). Les analyses spatiales et technologiques battent leur plein pour mieux comprendre les activités réalisées dans l’habitat (travaux de J. Calvo Gomez, G.-A. Denat, A. Hénin, G. Marchand, D. Nukushina)
Le début de l'aventure
Cette
fouille et les études scientifiques afférentes ont livré des résultats
particulièrement pertinents pour la compréhension des derniers groupes de
chasseurs-cueilleurs maritimes de la France atlantique. Pour la première fois
en France, un niveau coquillier mésolithique a pu être fouillé en même temps
que ses abords. Ils témoignent d’une multitude d’activités domestiques, à la
fois sur la zone à coquilles et sur sa bordure sableuse, sans le registre
funéraire déployés sur les sites un peu plus récents de Téviec et Hoëdic.
Ces
résultats font de Beg-er-Vil un habitat mésolithique de référence pour le
septième millénaire avant notre ère en Europe, notamment pour ces économies
côtières si difficiles à comprendre. Ils donnent par ailleurs la possibilité
d’étudier l’un des principaux accidents climatiques des débuts de l’Holocène
(Bond Event ou 8200 cal BP Climatic Event). Il s’agit à l’évidence d’une
période charnière dans l’histoire de notre continent qui voit l’épanouissement
des villages mésolithiques sédentaires de Lepenski Vir sur le Danube, mais
aussi les premiers établissements néolithiques de Kovaçevo en Bulgarie.
Des visites virtuelles du site
Cinq visites virtuelles du site mésolithique de Beg-er-Vil à Quiberon (Morbihan) sont désormais disponibles gratuitement, soit à travers l’application GUIDIGO (Tablettes et smartphones, Google Play ou App Store), soit sur le site internet de Guidigo (liens plus bas).Elles ont été réalisées par Pierre-Luc Fourny et la Mairie de Quiberon, à partir du matériel scientifique recueillis par Grégor Marchand et Catherine Dupont entre 2012 et 2015. Elles sont consultables sur les réseaux 3G ou téléchargeables en ligne. Les visites sont en français et en anglais, pour différents publics et notamment les enfants (sous forme de jeux).
GUIDIGO (Google Play or App Store / Internet site of Guidigo
Beg Er Vil : la Préhistoire à Quiberon (in French)
Beg Er Vil et le mystère des chasseurs-cueilleurs (in french and for the children)
Beg Er Vil : un site mésolithique majeur (in French, « expert level »)
Beg Er Vil : Prehistory in Quiberon (in English)
Beg Er Vil and the mystery of hunters-gatherers (in English, for children)
Autres documents remarquables
Film court sur les méthodes de fouille, réalisé pour un stage de troisième année de Licence à l’Université de Rennes 2 par Michal Ocadiz évoquant la succession des opérations de fouille à Beg-er-Vil en 2016.
Une page wikipedia traite des principaux aspects de ce site (réalisation en juillet 2017).
Université Numérique des Humanités, WEBDOCUMENTAIRE réalisé en 2015 (Nathalie Michaud et Grégor Marchand)
"BEG-ER-VIL, sur les traces des chasseurs-cueilleurs maritimes au mésolithique" porte sur les fouilles de Beg-Er-Vil à Quiberon. Il présente l’historique des fouilles à travers l’aventure de Marthe et Saint-just Péquart, la reprise des fouilles par Grégor Marchand (directeur de Recherche au CNRS. Archéologue et Préhistorien), mais aussi le point de vue et l’analyse de différents spécialistes travaillant sur le chantier : archéomalacologue, géomorphologue, géoarchéologue, tracéologue…
Cette ressource peut constituer un très bonne introduction à l'archéologie et à ses méthodes. Il s'agit d'une initiation grand public qui peut toucher aussi les étudiants de Licence 1, qui redécouvrent la période après des années de lycée et de collège durant lesquelles la Préhistoire n'est plus au programme. D'autres niveaux de connaissance sont également visés, qui s'adressent cette fois à des publics de plus en plus spécialisés.
Cette ressource peut constituer un très bonne introduction à l'archéologie et à ses méthodes. Il s'agit d'une initiation grand public qui peut toucher aussi les étudiants de Licence 1, qui redécouvrent la période après des années de lycée et de collège durant lesquelles la Préhistoire n'est plus au programme. D'autres niveaux de connaissance sont également visés, qui s'adressent cette fois à des publics de plus en plus spécialisés.
Pour aller plus loin…
DUPONT C., BICHO N., 2015 - Marine invertebrates and
models of economic organization of the coastal zone during the Mesolithic:
French and Portuguese examples. Chapter seven, in N. Bicho, C.Detry, T. D. Price, E. Cunha
(eds.), Muge 150th, The 150th Anniversary of the Discovery of Mesolithic
Shellmiddens, Vol. 1, Cambridge Scholars Publishing. Newcastle, p. 89-103.
KAYSER
O. (1992) - Les industries lithiques de la fin du Mésolithique en Armorique, in
C.-T. Le Roux (Ed.), Paysans et Bâtisseurs. L'émergence du Néolithique
atlantique et les origines du Mégalithisme, Revue Archéologique de l'Ouest,
Supplément n°5, p. 117-124.
KAYSER
O. BERNIER G. (1988) - Nouveaux objets décorés du Mésolithique armoricain,
Bulletin de la Société Préhistorique Française, 85, 2, p. 45-47.
MARCHAND G., 2015 – Living on the edge of the world :
the Mesolithic communities of the atlantic coast in France and Portugal, in :
Bicho N., Detry C., Price T. D., and Cunha E. (ed.), Muge 150th: The 150th
Anniversary of the Discovery of Mesolithic Shellmiddens, Volume 1, Cambridge
Scholars Publishing, p. 273-285.
MARCHAND
G., 2017 – Le Mésolithique à Hoedic : la lumière viendra-t-elle de Quiberon ?
Lettre de Melvan, juin 2017, n°28, p. 2.
MARCHAND
G., 2017 - Inventaire et interprétation des structures en creux des sites
mésolithiques de France atlantique, in : Nathalie Achard-Corompt, Emmanuel
Ghesquière et Vincent Riquier (ed.), Creuser au Mésolithique / Digging in the
Mesolithic, Actes de la séance de la Société préhistorique française de
Châlons-en-Champagne (29-30 mars 2016), Paris, Société préhistorique française,
(Séances de la Société préhistorique française, 12), p. 129-146.
MARCHAND, G., DUPONT, C., 2014. Maritime
hunter-gatherers of the Atlantic Mesolithic: current archaeological excavations
in the shell levels of Beg-er-Vil (Quiberon, Morbihan, France), Mesolithic
Miscellany, 22, 2, p. 3-9.
MARCHAND
G, DUPONT C., DELHON C., DESSE-BERSET N., GRUET Y., LAFORGE M., LE BANNIER
J.-C., NETTER C., NUKUSHINA D., ONFRAY M., QUERRE G., QUESNEL L., STEPHAN P.,
TRESSET A., (2016) - Retour à Beg-er-Vil. Nouvelles approches des
chasseurs-cueilleurs maritimes de France Atlantique, in C. Dupont et G.
Marchand (ed.), Archéologie des chasseurs-cueilleurs maritimes. De la fonction
des habitats à l’organisation de l’espace littoral, Paris, Société
préhistorique française,, p. 283-319.
MARCHAND,
G., DUPONT, C., 2017 - Beg-er-Vil ou la transformation d’un amas coquillier en
habitat littoral, Bulletin de la Société Préhistorique Française, Actualités
scientifiques, 114, 2, 373-375.
MARCHAND G, DUPONT C., LAFORGE, M., LE BANNIER, J.-C.,
NETTER, C., NUKUSHINA, D., ONFRAY, M., QUERRÉ, G., QUESNEL, L., STÉPHAN, P.,
(2017) - Before the spatial analysis of Beg-er-Vil: A journey through the
multiple archaeological dimensions of a Mesolithic dwelling in Atlantic France,
Quaternary International, 10.1016/j.jasrep.2017.07.014
MARCHAND
G, DUPONT C., 2018 – Avec les derniers chasseurs maritimes de Bretagne sud. In
: Aubin G., Le Roux C.-T. et Marcigny C. (ed.), Sur le terrain avec les
archéologues. 30 ans de découvertes dans l’Ouest de la France, Rennes : Presses
Universitaires de Rennes, p. 40-41.
POISSONNIER
B., KAYSER O. (1988) - Les bois de cerfs mésolithiques de Beg-er-Vil à Quiberon
(Morbihan), Revue Archéologique de l’Ouest, 5, p. 35-43.
La fouille en 2017, des gens si affairés (@ G. Marchand)